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lundi 9 juillet 2012

La politique de l’asphyxie

Redeyef : 43°C, Redeyef : 45°C, Redeyef : 48°C, Redeyef : 52°C, Redeyef…
Les thermomètres auraient-ils explosé?

Depuis mon arrivée à Redeyef, la température n’a cessé d’augmenter. Dès le premier jour, on m’avait prévenue : il y a des coupures d’eau et d’électricité. Ce qui signifie ni ventilation ni hydratation. La nuit, nous dormons dehors dans la cour sous la voûte étoilée protégés par les murs de la maison. Et il fait toujours chaud.

Redeyef 5h00 du matin

Le troisième jour de mon arrivée, il devient impossible de sortir dehors entre midi et seize heures. L’air est si chaud qu’il semble compact. Le quatrième jour, plus personne dans les rues à partir de midi. Je demande quelle température il fait. On me répond qu’à la télévision, ils n’ont donné aucun chiffre. Pourquoi ? « Ils ont peur des émeutes, à cause des coupures d’eau… ». De fait, il n’y  a pas d’eau durant toute la journée. Heureusement, la maison de Béchir possède une baignoire dans laquelle Leila stocke l’eau quotidiennement. Mais comment font les autres habitants ? Ceux de Guetar ? Ceux de M’dhilla ? Ceux de Sidi Bouzid ? Ils manifestent. Sous le soleil de plomb, avec plus de 45°C, ils manifestent et reçoivent comme toute réponse les gaz lacrymogène. Avec cette chaleur, exceptionnellement élevée cette année, il devient criminel d’imposer à la population de telles coupures d’eau. Tout particulièrement pour les vieux et les nourrissons. Dans certaines villes les habitants peinent à avoir un filet d’eau durant quelques heures la nuit…

Redeyef 5h00 du matin

La région de Redeyef est habituellement très chaude en été. Aux portes du désert, près de la frontière algérienne, à l’intérieur des terres, son climat est sec et aride. Pourtant, dans les profondeurs, par-delà la terre brûlée, est une nappe phréatique, source abondante qui couvre toute la région Gafsienne, offrant des millions de mètres cube d’eau par an.
Dans cette région minière dominée par l’exploitation de phosphate depuis près d’un siècle, héritage du colonialisme, la Compagnie des Phosphates de Gafsa (CPG) exploite près de 8 millions de tonnes de phosphate par an. La Tunisie est le 5ème exportateur à l’échelle mondiale. Des millions de dinars sont également brassés par cette société semi-étatique qui a mis en place le système des mines à ciel ouvert dans les années 80 divisant par  trois ses effectifs et mettant au chômage une grande partie de la population de la région. Or, la compagnie a besoin de plusieurs tonnes d’eau pour alimenter ses laveries de phosphate. Cela provoque un assèchement des nappes phréatiques de la région irrémédiable (voir billet n°60).
Redeyef 5h00 du matin
Alors pourquoi le gouvernement laisse des populations sans eau dans la saison la plus chaude de l’année ? Et pourquoi ces coupures d’eau ? Les réponses, d’abord floues, donnent plusieurs pistes : Du problème technique évoqué (mais pourquoi l’eau est quand même accessible à certaines heures ?), aux raisons plus obscures et clairement politiques quand certains évoquent le projet de privatisation de la Société nationale de l’exploitation et de distribution des eaux (SONEDE). Et si les représentants de la SONEDE expliquent que « la diminution de l’approvisionnement en eau potable est due à "la baisse du niveau de l’eau de la nappe phréatique de la région" », le gouvernement ne vient aucunement en aide à ces régions appauvries…



Lorsque je quitte Leila et Béchir, la température avoisine probablement les 60°C à Redeyef. Le car de 5 heures du matin est déjà chaud comme un four. Je laisse derrière moi les amis, inquiète et révoltée par cette situation inhumaine. Le même jour, un groupe de jeunes activistes indépendants de Tunis dont le fils de Leila qui ont réalisé une collecte vont acheminer de l’eau vers Guetar. Encore une fois la société civile pallie au manque de l’état. Pendant ce temps, la CPG fait des bénéfices de plusieurs centaines de millions de dinars.

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